Jean-Pierre Bekolo – Jean-Pierre Bekolo https://jeanpierrebekolo.com Award-Winning African Filmmaker Thu, 10 Oct 2024 02:15:18 +0000 en-US hourly 1 https://i0.wp.com/jeanpierrebekolo.com/wp-content/uploads/2024/09/cropped-CleanShot-2024-09-14-at-16.55.55.png?fit=32%2C32&ssl=1 Jean-Pierre Bekolo – Jean-Pierre Bekolo https://jeanpierrebekolo.com 32 32 Healing Cinema: Reimagining Humanity and African Cinema from a Place of Transformation https://jeanpierrebekolo.com/healing-cinema-reimagining-humanity-and-african-cinema-from-a-place-of-transformation/ https://jeanpierrebekolo.com/healing-cinema-reimagining-humanity-and-african-cinema-from-a-place-of-transformation/#respond Thu, 10 Oct 2024 01:36:12 +0000 https://jeanpierrebekolo.com/?p=17228832

In today’s world, we are inundated with illness—not only physical disease like COVID-19, but also social and political maladies. The rise of extreme-right movements, escalating violence, and human suffering highlight our global sickness. For so long, art, knowledge, and culture were seen as shields against such ills, but one must ask now: how effective are these defenses if they neither prevent nor cure our ailments? What purpose do they serve?

As filmmakers, we find ourselves at a crossroads. We must consider whether cinema, and art in general, can still claim a role in healing the world. For too long, we have crafted films aimed primarily at Western audiences, seeking their recognition and financial rewards. But in doing so, have we not neglected the very place where we stand? This reflection forces us to shift focus—our cameras, our stories, our creativity—back to Africa. Not merely as a geographical location but as a spiritual and intellectual ground from which we must launch our cinematic endeavors.

Cinema is not just about entertainment; it’s about motion, movement—kinema. And today, what we need is to put Africa, its history, and its future in motion. The world has left us behind, stagnating in a place where colonialism and modernity have trapped our imaginations. Our task as filmmakers is to push Africa, and indeed the whole world, out of this quagmire. We must inspire reinvention, both as Africans and as humans. We hear the buzzword “Afrofuturism” thrown around, but what does it mean if we do not first reclaim the power of cinema itself?

This transformation is not just about the stories we tell, but about how we tell them. It’s about recognizing the responsibility we bear as creators—not merely to reflect society but to heal it, to offer a path forward. This is the essence of what I call “Healing Cinema.” Through it, we aim to care for our rapidly dehumanizing world, a world being reshaped before our eyes by technology and finance, often at the expense of our shared humanity.

This week in Paris, I am sharing these humble ideas with those who care to listen. It is my belief that cinema has the potential not just to entertain or inform, but to heal. But first, we must heal the medium itself, and through that, help humanity heal too.

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Jean-Pierre Bekolo : “Les cinéastes africains craignent la littérature” https://jeanpierrebekolo.com/jean-pierre-bekolo-les-cineastes-africains-craignent-la-litterature/ https://jeanpierrebekolo.com/jean-pierre-bekolo-les-cineastes-africains-craignent-la-litterature/#comments Sat, 14 Sep 2024 19:39:11 +0000 https://jeanpierrebekolo.com/?p=17228552 Le réalisateur camerounais Thierry Ntamack annonce pour bientôt la sortie officielle de son prochain film Walaande. Une adaptation du roman éponyme de l’écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal. Le long métrage fiction est le produit du programme Scripto Sensa initié par le cinéaste Jean-Pierre Bekolo, qui se constitue comme un pont entre cinéastes et éditeurs afin de rendre concrets les adaptations cinématographiques des œuvres littéraires au Cameroun et en Afrique.

Comment naît le projet Scripto Sensa et pourquoi cette appellation ?

Nous tirons le nom du terme stricto sensu qui veut dire “au sens strict”. Scripto Sensa c’est un jeu de mots. Sensa ça fait beaucoup plus “sensible, sensation”, en espagnol. C’est un jeu de mots pour dire le “script au sens strict“. L’idée date de sept ou huit ans. Nous avons soumis à l’époque le projet à l’Union européenne.
J’écris le projet parce que je fais le constat que 80% des films qui gagnent un Oscar ou des prix à Hollywood sont des adaptations littéraires. Les livres fournissent la majorité du matériau cinématographique américain. Et ce n’est pas un hasard si ces films issus des livres ont un impact. D’abord le livre a un avantage c’est que quelqu’un a déjà travaillé le sujet, certes de manière littéraire mais c’est l’histoire qui compte pour le cinéaste. Et parfois un public a déjà réagi au livre.

Quand nous regardons le cinéma africain, je peux décrire les différentes générations de cinéastes. Il y a eu les pionniers, les pères fondateurs comme Ousmane Sembene. C’est vrai, il écrit d’abord les livres, il a été certes à l’école mais il part du plus bas, il était docker. On parle toujours là d’illettrisme, on n’attend pas d’un docker qu’il devienne écrivain ou cinéaste. À la même époque, d’autres personnes allaient déjà à l’école en Afrique ; il y avait des médecins, des vétérinaires etc. qui étaient des intellectuels mais qui n’étaient pas censés faire ce genre de choses. Même si par la suite une autre génération d’écrivains arrive, des gens qui ont été à l’école : Mongo Beti, Camara Laye, etc.
Donc, il faut bien regarder que ceux qui commencent à faire du cinéma, la plupart sont des illettrés. Ils apprennent, d’autres n’apprennent pas grand-chose, en termes d’éducation classique. Il y a même eu à un moment donné l’Union Soviétique qui accueillait beaucoup de cinéastes qui n’ont pas suivi des études classiques, qui n’avaient pas la capacité d’étudier avec tout le monde. Je crois que Souleymane Cissé en fait partie. Ensuite, il y a eu ceux qui portaient les sacs lors des tournages de films occidentaux en Afrique. Je crois que le plus récent dans cette catégorie c’est Moussa Touré qui était machiniste ou électro. Puis il y a eu les Gaston Kaboré, Bassek ba Kobhio qui étaient des fonctionnaires, qui n’avaient pas du tout d’ambition de cinéma mais ont vu que le cinéma était intéressant parce qu’ils accueillaient des tournages chez eux. Le cas de Bassek qui a découvert le cinéma avec le tournage de Claire Denis pendant qu’il est, je crois, sous-directeur au ministère. Je dirai qu’il y a eu aussi quelques-uns qui venaient du théâtre et se sont retrouvés dans le cinéma, comme Dikonguè Pipa. Vous allez comprendre une chose, c’est que quand tu étais vraiment intelligent à l’école tu ne faisais pas le cinéma.
Qu’on le veuille ou pas le cinéma a accueilli un peu des gens qui ont eu l’opportunité d’en faire, pour X ou Y raisons et parfois beaucoup d’illettrés. Il y a même eu avec le cinéma Ouest africain, ce qu’on a appelé “le cinéma calebasse”, qui était à la limite des droits comment intégrer ceux qui n’avaient pas été à l’école, puisque le cinéma était vu comme une culture visuelle.

Je pense que la littérature est un peu une espèce de menace pour ces gens-là. Ces gens craignent la littérature. Ils ont peur que soient déshabillées leurs limites. Il y a comme une espèce de méfiance vis-à-vis de la littérature. Quelqu’un comme Bassek qui faisait déjà des émissions littéraires à la radio à l’époque est très à l’aise face aux autres. D’autant plus qu’étant directeur de la cinématographie il peut avoir le discours littéraire dans le registre du cinéma sans que ça le gêne ; au contraire il domine la scène cinématographique grâce à sa formation littéraire. Je crois que quand on étudie bien, on comprend que la méfiance qu’il y a eu vis-à-vis de la littérature est justifiée. Ceux qui bénéficiaient de ces connaissances littéraires n’avaient aucun intérêt à développer leur point fort pour que les concurrents puissent venir. Vous savez, il y a toujours eu beaucoup de littéraires, mais on n’a jamais créé une espèce de couloir pour les inviter à venir au cinéma. Pourtant le cinéma africain en a grandement besoin. Voilà comment j’explique un peu les motivations derrière.

Le temps me donne raison puisque maintenant les Camerounais, les Africains gagnent des prix littéraires, le prix Goncourt par exemple, ce qui montre que le niveau littéraire est très élevé en Afrique et au Cameroun, malheureusement le niveau du cinéma lui, est très bas. Au Cameroun, le cinéma actuel accueille les illettrés, les débrouillards. Si vous n’avez pas pu faire la moto ou le call-box, le cinéma reste un débouché très important pour un illettré camerounais. Ce qui n’est pas normal, parce que nous parlons quand-même de cinéma. Le cinéma c’est la vitrine, le cinéma c’est la grandiloquence, ce qui est beau, qui est meilleur. Si on prend l’exemple des voitures, le cinéma c’est [le prix de] la voiture de Paul Biya [président camerounais, Ndlr].

Comment est structuré le projet, que proposez-vous aux à ceux qui s’y intéressent ?

Le projet est mis en œuvre depuis le mois de mars 2021 et il a plusieurs phases. La première phase c’est le contact avec les éditeurs qui nous proposent des livres à adapter. Nous avons fait un partenariat pour la première partie, qui était un peu expérimentale, avec Ifrikiya. L’éditeur doit nous mettre sur la table son catalogue de livres. Nous allons faire plus tard un contrat d’option puisque nous devons payer les droits. Donc, au lieu de payer directement nous réservons. Parce que notre but c’est que celui qui adapte ait une chance d’en faire un film. Il ne s’agit pas juste d’adapter les livres dont on n’a pas les droits, sinon on ne pourra pas passer à la phase production.

Puis nous faisons ce que nous appelons un club littéraire des adaptations depuis le mois de mars, tous les jeudis à 15h au Quartier mozart. Quelqu’un lit trois ou quatre livres et vient les présenter à un public de cinéastes, de scénaristes etc. Dans la discussion ce qui est important c’est surtout l’adaptabilité de l’œuvre, parce qu’il y a de bons livres qui ne sont pas adaptables et des mauvais livres qui sont de très bons sujets. Nous avons mis dans la première phase Paulin Rene Esselè pour animer le club littéraire. Maintenant c’est Pauline Ongono de Ônoan association qui anime les clubs littéraires.

La troisième partie c’était un peu de la formation, des ateliers d’écriture. Comment on adapte, quels sont les pièges ? Pour la première édition nous avons fait venir Laurent Guillaume, ancien policier qui a écrit des romans, est devenu réalisateur pour Canal +. Il s’est penché sur les techniques d’écriture et techniques d’adaptation. Après, toujours Laurent Guillaume et François Desagnat, réalisateur très connu en France [Zaï Zaï Zaï, 2019, La Beuze, 2003, Parents mode d’emploi, 2014, ndlr], sont revenus sur l’adaptabilité des œuvres.
Puis nous avons entamé la phase de résidence d’écriture. Les gens doivent écrire ce qu’on appelle une logline (qui est comme une phrase qui résume le film), puis un synopsis d’une ou demi-page, ensuite un traitement qui est la phase clé. C’est toute l’histoire, comment elle sera vue cinématographiquement. C’est environ 20 pages. Et puis il y a le séquencier qui découpe l’histoire, le traitement. Après le séquencier il y aura la continuité dialoguée qui est en fait le premier draft du scénario, il y aura un deuxième jet et puis nous on s’arrête là.

Sauf que dans le processus, après le deuxième jet, nous devons ne pas abandonner le cinéaste ou scénariste à ce niveau. C’est là où nous faisons la promotion des œuvres auprès les producteurs, chaînes de télé, diffuseurs etc. tous ceux qui aimeraient évidemment financer les films. Nous allons accompagner les cinéastes dans la demande des financements, subventions et autres. Nous sommes producteurs, nous ne sommes pas formateurs. C’est pour ça que le contrat d’option est important. Nous pouvons être coproducteur des œuvres, nous n’excluons pas d’être producteur. Mais à ce stade nous n’avons pas de financement pour continuer. On espère que la qualité des scénarios pourrait permettre de devenir producteur.

Je dis que le travail s’arrête là parce qu’à Hollywood ce que nous faisons s’appelle le développement. Aux États-Unis, ils ont surnommé ça le Development hell (“l’enfer du développement”, en anglais), c’est-à-dire que sur milles projets, un seul survit au développement. En gros, c’est là où beaucoup de projets meurent, entre l’idée et le scénario. Et il n’y a pas de subventions très souvent pour le développement, si oui c’est très peu. Imaginez, il faut payer les droits, le scénariste qui écrit et les script doctors pour arriver à un premier jet et très peu d’auteurs ou de producteurs ne veulent s’aventurer à ce stade. C’est pour ça que les producteurs attendent les scénarios déjà écrits, mais malheureusement il y a beaucoup de scénarios écrits sans être relus. Parce que les gens n’ont pas d’environnements, de réseaux, de groupes qui peuvent les aider. Et nous nous retrouvons dans des commissions (j’ai été 3 ans dans la commission à l’OIF) avec quand-même des projets qui ont manqué d’accompagnement au développement, et ça c’est le gros des problèmes du cinéma africain.

Scripto Sensa vient donc pour résoudre ces problèmes-là. Nous avons commencé par le Cameroun, avec cette édition du mois de mars qui se termine en décembre et qui avait 20 personnes. La suivante nous l’avons ouverte en septembre 2022, ce sera également 20 personnes qu’on devrait accompagner dans le processus.

Les participants sont-ils tous Camerounais ?

La première édition, les participants et les livres sont camerounais. Il y a un livre nigérian quand-même édité par Ifrikiya. La réalité, c’est que nous ne faisons pas de discrimination, nous sommes ouverts un peu parce qu’un bon livre il peut être tourné n’importe où à condition qu’on puisse avoir les droits. Je pense que nous avons surtout cherché à sélectionner les gens qui ne sont pas les habitués du cinéma. Nous avons ouvert vers les slameurs parce qu’on pense que c’est gens qui, à leur manière, maîtrise le texte qui n’est peut-être pas cinématographique, mais par exemple c’est la poésie écrite ou dite, je trouve qu’il y a des avantages. Nous avons aussi invité Sadrak qui est un rappeur, qui a écrit un livre autobiographique [Un mélange de l’art et des gens, 2018] et nous trouvons que cette écriture hip hop peut venir nourrir le cinéma. Puisque le cinéma doit se renouveler ici comme ailleurs, c’est à nous de trouver par quel pied le faire.
Il y a des réalisateurs qui peuvent venir prendre le scénario et le réaliser. Pour le cas de Sadrak par exemple, il n’a pas l’intention de réaliser, c’est son livre, sa vie, sa manière de voir le monde. Je pense que nous nous arrêtons au développement.
Nous avons un cas qui fait aussi partie de cette première génération : c’est Thierry Ntamack. Lui, il adapte Walaande de Djaïli Amadou Amal. Il a l’habitude d’écrire ses propres films et les réaliser. Là, il adapte le livre pour en faire un film qui sera de lui.

Comment jugez-vous l’engouement ou l’intérêt que porte le public à ce projet ?

Moi je pense qu’on a toujours les bonnes personnes. C’est-à-dire que ceux qui ne viennent pas, ça veut dire que ce ne sont pas les bonnes personnes. Le cinéma camerounais actuel, est un peu moribond, excusez-moi le terme, et c’est pour ça d’ailleurs que nous faisons ce que nous faisons. Nous sommes conscients du côté moribond du cinéma, où on est dans des choses qui ne sont pas du cinéma etc. Donc, je me dis il ne s’agit pas d’attirer ceux qui sont déjà dans ce cinéma moribond ; il s’agit d’attirer ceux qui ont une nouvelle énergie, ceux qui peuvent renouveler le cinéma et de ce côté-là nous avons l’intérêt. Nous n’allons pas aller réveiller ceux que le cinéma a tué, qui sont morts en essayant de faire du cinéma ; nous voulons plutôt une énergie nouvelle et de ce côté-là je sais que beaucoup sont intimidés, beaucoup n’osent pas parce que la mode du tapis rouge fait croire qu’on fait du cinéma pour être vu, alors que moi personnellement, nous faisons du cinéma comme les écrivains que nous lisons, pour changer notre société, pour voir comment notre société peut être différente, surtout avec beaucoup d’imagination et de créativité. Je pense que nous ne devons pas nous tromper de cible et d’objectif, nous ne pouvons pas, vu l’état de désastre actuel, réveiller ce qui est déjà mort, par contre pouvons créer une dynamique nouvelle qui va dominer le cinéma camerounais dans les prochaines années.

Quels sont vos partenaires et soutiens financiers ?

J’ai presqu’envie de dire que le conseiller culturel de l’ambassade de France au Cameroun, Yann Lorvo, qui est aussi directeur des deux IFC est quand-même celui qui a réveillé ce projet en moi. Je l’ai rencontré en Argentine, quelque part quand on se recroise au Cameroun, il est un peu comme un coach, une bonne énergie qui encourage à faire avancer les choses. Moi qui suis un peu dubitatif par rapport à ce que je vois, il m’a convaincu qu’il faut y aller.
C’est aussi un peu son projet parce que sans lui je n’aurai pas décidé de faire ça. On partage un peu la même vision, on s’est dit voilà on ne peut pas laisser les choses tel quel. Ce que je vois au niveau du ministère (de la Culture, Ndlr), des Ecrans noirs, de toutes les institutions ne me donne aucun enthousiasme. Il a été donc un peu l’initiateur du financement reçu par l’Ambassade de France ; et puis, nous avions déjà demandé l’argent de l’Union Européenne/ACP il y a 5, 6 ans on n’a pas eu, et cette fois-ci nous avons obtenu. Et quelque part du coup, nous savons que nous pouvons faire ce qu’on a dit qu’on va faire. On n’a plus de doute là-dessus, maintenant c’est seulement aux uns et autres de participer à fond.

Vous comptez vous établir dans la pérennité ?

Oui nous sommes là pour rester, nous ne sommes pas des aventuriers. Notre but n’est pas de faire une fois. Nous avons ouvert à plusieurs éditeurs maintenant, tout le monde est le bienvenu. Nous avons quelques étudiants, mais on s’est dit, il ne faut pas que ça devienne de la formation, nous sommes dans la production. Nous voulons des gens qui veulent faire des films et c’est eux que nous accompagnons.

Il ne s’agit pas forcément d’être jeune, parce qu’il y a aussi déjà maintenant une domination de la jeunesse. On sait qu’elle a souvent été oubliée mais là on a aussi oublié trop les vieux. Je rappelle souvent que Manoel Oliveira, ce cinéaste portugais a fait son dernier film il avait 105 ans, Jean-Luc Godard avait 91 ans, je crois.
Je crois qu’il ne s’agit pas que d’une affaire de jeunes, pas parce que les jeunes dérangent mais c’est que le cinéma c’est comme la littérature aussi, il faut avoir vécu. Pour nous parler de la vie, il faut avoir vécu. Je crois qu’il ne faut pas qu’on confonde cela à un amusement des enfants.
Je me rappelle toujours de ce ministre qui me dit : “Ah mes enfants ont beaucoup aimé Quartier Mozart, tu n’as pas un CD pour mes enfants ?” et il te tend 2000. Vous comprenez qu’il y a un problème avec leur vision. Parce que quand quelqu’un est arrivé ministre et ne voit pas de quoi il s’agit je crois qu’il y a un problème. On voit bien qu’en fait, ils n’ont pas compris ce que ça veut dire vraiment pour le pays et son image, et même pour programmer une société, parce que le cinéma est capable de programmer ou de reprogrammer une société par rapport à certaines valeurs.

Avez-vous personnellement des projets de films à venir ?

Ce que les gens oublient c’est que j’ai tourné un film chaque année. En 2019, j’étais en Colombie, j’ai ramené un film qui s’intitule Nous les noirs, je suis allé voir les noirs de Colombie pour montrer à quel point ils nous ressemblent. J’ai un autre film dont on a un peu parlé mais on ne l’a pas vu au Cameroun, il a remporté le prix Sembène Ousmane au Fespaco 2017 (Miraculous weapons, Ndlr). Après, il y a eu le confinement avec tout ce que cela a entrainé. Je viens de terminer un autre film, c’est un documentaire, j’en parlerai quand tout sera fini.

Vos films ne sont pas beaucoup vus au Cameroun pour ne pas dire presque pas…

Je suis réalisateur et producteur. Je demande souvent aux chaînes de télé pourquoi vous ne prenez pas les films ? Je crois que Canal 2 fait payer pour montrer les films. Il faut dire la vérité : il n’y a pas de système d’acquisition pour les télés et elles-mêmes ne voient cela comme faisant partie de leurs missions. Les télés, c’est débats sur débats. En fait ça montre bien où en est la société camerounaise, la parole dans le mensonge. Nous, dans le cinéma, sommes des menteurs qui s’assument, parce qu’on utilise l’imaginaire. Mais la parole qui se veut vérité et qui est mensonge c’est les débats politiques. On s’habille en veste on vient mentir à la télé, et puis je ne sais pas mais les Camerounais aiment ça. Je dis souvent, ferme les yeux et écoute le journal de 17 heures, et puis après ouvre les yeux et sors pour regarder le pays dont on parlait et qui était si beau au journal, c’est le jour et la nuit. C’est-à-dire que nous sommes devenus des menteurs, on se ment à nous-mêmes. Eboussi Boulaga disait qu’une société qui se ment est condamnée au chaos permanent.

Autre chose, quand j’ai fait 28 épisodes de la série Our wishes, sur l’histoire coloniale du Cameroun. Quelle autre promotion je vais faire quand on a vu Charles Ndongo (Directeur Général de la Télévision nationale camerounaise, Ndlr) que la CRTV n’a pas pris ? Quand Canal 2 vous demande de payer ? Quand Equinoxe voulait tous les droits pour lui seul ? Bref, quand on se retrouve sur le plan local avec une distribution impossible avec les partenaires…
Je vais créer ma chaîne de télé peut-être hein, c’est la solution pour pouvoir montrer les films. On comprend que c’est encore à nous que revient la faute, après avoir travaillé 28 épisodes. Toute l’équipe a contribué pour pouvoir les produire. J’ai financé la première partie, et puis TV5 a pris le relais. Vous comprenez qu’il a fallu que les gens s’investissent pour que ça existe. Donc nous, nous avons déjà travaillé. Que la CRTV et les autres fassent leur travail, puisqu’ils sont là pour ça. Je pense que personne n’ose leur demander de faire leur travail, on revient à critiquer encore celui qui a produit, sachant que nous n’avons pas eu 5 francs du gouvernement camerounais pour raconter l’histoire du Cameroun. À un moment donné, on se demande pourquoi on fait ce qu’on fait ? Moi j’ai le sentiment d’avoir fait ma part vis-vis du Cameroun. Donc, je peux retourner chez les Blancs faire les choses avec eux là-bas.

Par Pélagie Ng’onana

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The African Spiritual Void https://jeanpierrebekolo.com/je-suis-parti-mais-je-ne-sais-pas-si-je-suis-arrive/ https://jeanpierrebekolo.com/je-suis-parti-mais-je-ne-sais-pas-si-je-suis-arrive/#respond Sat, 14 Sep 2024 18:22:51 +0000 https://jeanpierrebekolo.com/?p=17228536 In discovering Candomblé, the Afro-Brazilian religion born from slavery, I began to reflect on Africa’s current spirituality. Afro-Brazilians teach us a crucial lesson: when Africans face dehumanizing and unbearable conditions, they must resist, and this resistance includes spiritual resistance.

But what spirituality do we, modern Africans, choose to ease our suffering? Observing the Afro-Brazilians, I realize that spirituality must evolve with the times. Yet, it seems Africans today cling to outdated spiritualities—whether Islam, Christianity, or traditional religions—without updating them to meet current needs.

Historically, African spirituality was adaptable. For instance, Cheikh Amadou Bamba, who founded Mouridism during the colonial era, preached resistance. His spiritual resilience led to his deportation and death in prison. Similarly, Kimbanguism in Congo offered spiritual resistance. These leaders adapted spirituality to their era. Today, however, Africans are torn between Mecca, Rome, and revival churches, where the only “spirituality” is the pursuit of wealth.

Indeed, material success has become the new spirituality for impoverished Africans, who await blessings of wealth. Even African ancestral practices, now monetized, are increasingly misused for this purpose, eroding millennia-old heritage.

Afro-Brazilians who practice Candomblé take a therapeutic approach. Spirituality should heal us from the maladies of modern capitalist society, just as slavery plagued them. Faced with oppression, they understood the need to resist and reinvent spirituality, drawing from their African roots.

In Africa, meanwhile, our elders lament powerlessly or cynically waste time on social media, unable to impact a world that slips from their grasp, while clinging to an Allah who seems to hear only the Saudis’ prayers. The name of Jesus, frequently shouted through neighborhood sound systems, seems now to banish only African ancestors, demonized as spirits, pushing Africans further into a spiritual void.

Afro-Brazilians, despite the horrors of slavery, managed not only to preserve their spiritual traditions but also to grow and reinvent them, while Africans today struggle to spiritually connect in meaningful ways.

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Brazil: From the Capoeirista to the Muntu https://jeanpierrebekolo.com/changer-le-ressentiment-national-le-temps-du-storytelling/ https://jeanpierrebekolo.com/changer-le-ressentiment-national-le-temps-du-storytelling/#respond Sat, 14 Sep 2024 18:14:40 +0000 https://jeanpierrebekolo.com/?p=17228534 The Brazilian model of racial mixing has long been considered a utopia, a vision of what a non-racist humanity could be. Mixed race is indeed a reality in Brazil, a country where almost everyone is, in some way, a little black, a little white, a little indigenous… and where we know how to live together. The Brazilian, mixed race by essence, embodies those who carry within them a single drop of black or indigenous blood, in accordance with the American rule of “one drop”, according to which anyone with a single drop of non-white blood is not considered white. Once presented to the world as an example of harmonious interbreeding, this Brazilian model today reveals a profound identity crisis.

Although the majority of Brazilians have characteristics that are a little black, a little white, a little indigenous, they are mentally under the pressure of the centuries-old domination of the white world. This domination began with explorers like Christopher Columbus, who, in the name of God, often claimed a civilizing mission by conquering other peoples. Today, despite the passage of time, mixed Brazil seems prey to a mental and psychological contortion, similar to that experienced by capoeira. This martial art disguised as a dance deceived the white master, making him believe that the slaves were dancing when in reality they were preparing to revolt for their liberation.

Likewise, the African religion of Candomblé had to adopt syncretism with Catholicism to hide from the eyes of white masters the practice of voodoo, used to free oneself from slavery. If this ingenuity of camouflage and deception gave birth to an extraordinary culture, with a mixed aesthetic, it nevertheless lost its original intention. It has failed to persist in people’s minds due to the pressure of a white culture which imposed itself, not through its superiority, but through its brutality.

The Brazilian, like many black people in the world, could therefore be considered a vanquished of mental colonialism, having ceased to be a capoeirista a long time ago. Today, only the bodies continue to move, but the intention to revolt and free oneself from domination has been exorcised. Comfortable in the position where the white world has left him, the Brazilian is plunged into a “Muntu Crisis”, no longer knowing what is expected of him as a Black or indigenous, bearer of ancestral values, nor as a as White, “civilized”. More importantly, he no longer knows what he expects of himself.

If color is a contortion and even a syncretism, it shows or does not show… that we are mixed, but the head says something completely different, or even better, the mouth, the racist remarks, of exclusion, of rejection… Racism is here… and the identity crisis that goes with it. Crossbreeding is not in people’s minds. The fault lies with an always abusive white world which has not been able to cross-breed or at least carry out contortions or reverse syncretism in its turn: a Capoeira and a white Candomblé!

If Brazil is the place where the utopia of mixing races is most advanced in a world today prey to identity withdrawal, it must also be the first to cure humanity of these mental and psychological crises linked to identities , beyond appearances and skin colors. Capoeira should not simply be another lure to distract young black people from a revolutionary ideal in a world prey to other forms of domination from which we must free ourselves. Candomblé must not become a simple folklore for tourists or another opium of the black people, but rather the utopia of a true mixed humanity.

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